Créateur dans le domaine de l’art sacré depuis vingt-cinq ans, graveur et éditeur de gravures sur bois et de livres d’artiste pendant une douzaine d’années auparavant, je regarde avec reconnaissance les visages de ceux qui m’ont transmis la parole féconde, le geste de métier, le sourire complice et fraternel. Je pense surtout à Henri Giriat, éveilleur de conscience et à René-Maria Burlet, peintre, fresquiste et vitrailliste ; lui-même disciple d’Albert Gleizes et à tous ceux qui, dans le Compagnonnage, ont été pour moi des transmetteurs, maîtres en leurs pratiques. C’était hier, déjà…

Après avoir aménagé le choeur d’une cinquantaine d’églises en France (autels, ambons, croix, tabernacles, baptistères et vitraux), j’ai en quelque sorte digéré un peu de lumière. Je pense notamment à cette réalisation décisive dans mon parcours que fut la création, en 2016-2017, de l’ensemble des vitraux incolores et profondément thermoformés de l’abbatiale cistercienne de Sylvanès dans l’Aveyron. Cette expérience de la simplification extrême pour ne donner à voir que la “radiance“ du verre à l’intérieur d’un volume architectural, m’a conduit plus près encore du mystère insaisissable de la lumière.

Aujourd’hui, avec des sculptures verrières, je cherche à partager cette expérience spirituelle à travers la substantialité de cette matière délicate. Je la travaille comme un émetteur ou, inversement, comme un récepteur de lumière, ou encore les deux à la fois, si toutefois la sculpture verrière, thermoformée au four exprime cette capacité dans sa forme même. C’est ma démarche actuelle, avec du verre ou du cristal épais souvent incolores, mais très subtilement nuancés dans leurs transparences ou leurs opalescences.

La coloration du verre après cuisson au four, avec de l’émail ou de la grisaille, modifie l’effet de radiance en la particularisant par une vibration lumineuse complémentaire. Je m’attache à cette réalité qui semble anodine. C’est notamment le cas avec des rouges, des violets ou des roses à l’or ou avec des rouges de cuivre ou encore des jaunes d’argent. Sur le verre, ces colorations particulières possèdent une puissance, ou plus exactement un “charme“ dans le sens étymologique de formule d’enchantement, qui touche en nous des points de sensibilité physiologique. En d’autres termes nous pouvons, comme les jeunes enfants, ressentir très nettement dans nos corps la puissance d’une vibration lumineuse et colorée engendrée par une forme. Si nous sommes “touchés“, c’est bien parce que cette perception pénètre jusque dans nos coeurs pour y laisser une empreinte féconde. Très simplement.

C’est ce territoire de partage qui m’intéresse désormais.

Rochetaillée novembre 2023